
3 000 milliards de dollars. Un chiffre à la puissance symbolique qui, en 2024, propulse l’Inde sous les projecteurs. Pourtant, derrière les palmarès du développement, la réalité mondiale se joue dans les détails : critères changeants, classements composites, frontières mouvantes. Impossible de se contenter de la façade lisse des tableaux officiels lorsqu’on se penche sur la diversité des parcours nationaux.
Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale optent chacun pour leurs propres repères pour ordonner la hiérarchie économique mondiale. Fait révélateur, certains pays réputés pour leur prospérité (membres de l’OCDE) figurent encore dans les listes des nations en développement. En cause ? Un seuil de revenu national brut, révisé chaque année, qui peut faire fluctuer le statut sans bouleverser la vie quotidienne de leurs habitants.
Les lignes bougent, parfois au gré de pures décisions statistiques ou d’une réforme de la méthode. Les frontières entre groupes de pays se déplacent à coups de décimales, tandis que la reconnaissance internationale d’un statut particulier dépend en partie des critères retenus.
Plan de l'article
Ce que recouvre réellement la notion de pays en développement
Parler de pays en développement, ce n’est pas se contenter d’un duel entre “riches” et “pauvres”, ni d’un classement établi une fois pour toutes. Ce terme, né aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, s’enracine dans le contexte du tiers monde en désignant les États restés à l’écart des grandes puissances. Au fil du temps, la Banque mondiale et les Nations unies ont fait évoluer la définition : il est désormais question de développement humain et de trajectoires de croissance.
Le spectre est vaste : on y compte aussi bien des pays émergents comme l’Inde ou le Brésil, que des nations d’Afrique, d’Asie ou des Caraïbes issues de la décolonisation et fortes de leur appartenance au mouvement des pays non-alignés. C’est un large éventail de situations ; certains États connaissent une croissance à grande vitesse, d’autres doivent toujours relever les défis de la pauvreté structurelle.
Plusieurs critères permettent d’approcher ces écarts considérables :
- Le niveau de vie, l’accès à l’éducation et à la santé, la qualité des infrastructures, ou encore le poids dans les échanges mondiaux.
- Des dynamiques économiques contrastées : croissance rapide, stagnation durable, transitions démographiques en marche ou populations vieillissantes.
La Banque mondiale affine la cartographie en trois catégories : pays à faible revenu, pays à revenu intermédiaire et pays émergents. L’expression « pays en développement » englobe ainsi des réalités économiques, sociales et politiques qui n’ont parfois rien en commun sinon le fait de ne pas appartenir au groupe restreint des plus riches.
Quels critères permettent de définir le niveau de développement d’un pays ?
Mesurer le développement humain d’un État passe par l’analyse associée de plusieurs indicateurs. L’indice de développement humain (IDH) est désormais un repère incontournable : il rapproche espérance de vie, niveau d’éducation (taux de scolarisation, durée moyenne d’études), et revenu national brut par habitant. Ainsi, il évite la vision réductrice qui s’arrêterait à la performance économique brute.
Le PIB (produit intérieur brut) reste le thermomètre classique de la création de richesse d’un territoire. Pour affiner, on regarde le PIB par habitant, bien plus révélateur des écarts réels que la seule taille du gâteau national. Cela étant, le niveau de développement ne se résume pas à cette comparaison : deux pays de populations équivalentes affichent parfois des écarts de vie très marqués.
D’autres facteurs sont systématiquement pris en compte :
- Pression démographique et croissance de la population,
- Accès effectif aux soins, aux infrastructures (transport, énergie),
- Degré de stabilité politique,
- Capacité d’innovation et adaptation technologique.
Ces multiples dimensions échappent à une unique formule mathématique. Dernière certitude apportée par les grilles d’analyse : chaque pays suit son chemin, entre héritage historique, choix politiques et dynamiques sociales.
Classements et données actuelles : où en sont les pays en développement en 2024 ?
En 2024, selon les critères de la Banque mondiale, la mosaïque des pays en développement s’organise entre pays émergents, pays à revenu intermédiaire et pays les plus pauvres. Dans ce groupe, les évolutions sont loin d’être homogènes.
L’ascension de l’Inde et de la Chine saute aux yeux. Ces deux géants multiplient les records de croissance, portés par une population vaste et une urbanisation accélérée. En 2024, l’Inde dépasse le cap des 1,4 milliard de personnes et affiche une croissance qui dépasse régulièrement celle des nations occidentales. La Chine, elle, capitalise sur la montée en gamme de son industrie et ses investissements dans l’innovation. Ensemble, ils déplacent le centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie.
Le progrès en matière de développement humain avance toutefois à des rythmes variés. Certaines régions d’Amérique latine, du Pacifique ou d’Afrique subsaharienne enregistrent des améliorations notables, mais l’écart avec les pays les plus avancés reste profond. L’impact conjugué d’une croissance démographique rapide et d’une urbanisation souvent mal maîtrisée freine la progression du niveau de vie dans beaucoup de territoires.
Pour 2024, les prochains défis s’imposent : transformer la croissance du PIB en politiques sociales efficaces, et limiter l’accroissement des inégalités internes, alors même que la compétition entre les grands émergents s’intensifie.
Zoom sur les pays les plus avancés parmi les pays en développement
La catégorie des pays en développement couvre des trajectoires très éloignées. Certains, devenus pays émergents, se placent au seuil des standards internationaux, tant par leur PIB par habitant que par leurs progrès sociaux et humains. Cette dynamique n’est nulle part aussi visible qu’en Asie et en Amérique latine.
Pour illustrer ces évolutions, trois cas de figure retiennent l’attention :
- L’Inde fait figure de locomotive : sa croissance en 2024 se situe entre 6 % et 7 %. Son poids démographique l’installe comme l’un des piliers économiques mondiaux, même si l’accès à la santé, à l’éducation et à l’emploi demande encore des efforts considérables.
- La Chine se trouve à la frontière de la catégorie “développement”. Si certains indicateurs nationaux la propulsent déjà hors de ce groupe, des millions de Chinois vivent encore en dessous des seuils internationaux de confort. En matière d’IDH, elle continue de progresser d’année en année.
- En Amérique latine, le Brésil et le Mexique sont en tête de peloton. Espérance de vie en hausse, structure démographique en évolution et développement du secteur des services montrent une course réelle vers le haut, sans masquer la persistance de fortes inégalités.
On observe également qu’en Europe centrale, des pays tels que la Pologne et la Tchéquie ont quasiment rattrapé les standards de l’Ouest, aussi bien en matière de PIB par habitant que d’IDH. Dans le Pacifique et les Caraïbes, le changement reste contrasté, limité par la taille des marchés et une forte exposition aux crises mondiales.
En résumé, la course vers le développement bouleverse les cartes : la Chine s’est hissée au rang de leader, l’Inde accélère, des pays d’Amérique latine maintiennent la cadence. Mais partout, aucune destinée n’est écrite d’avance : pour les économies dites “en développement”, c’est un marathon sans ligne d’arrivée clairement tracée.


































